Je vous écrirai en ces temps de folie pour témoigner d’êtres remarquables – rencontres – qui recommenceront – recommencent l’amour là où il a été laissé pour mort.
Maha Nammour
Une chamane du Liban
Elle n’a fait que guérir plusieurs cancers, sorti quelques uns du coma qui se remettent à manger, et sorti d’autres du pétrin de la torture pour redevenir dignement vivants.
Elle ne se prend pas au sérieux.
C’est toi qui a fait ça, dit le mangeur qui s’empiffre fraîchement sorti du coma lors de sa visite où elle le voit, stupéfaite!… Et bien, tumanges maintenant?
Elle réponds toujours, ce n’est pas moi. Tout le monde peut. C’est l’énergie, c’est tout.
Ce n’est pas sérieux de se prendre au sérieux…
Tes zones de confort, elle en fait un feu de joie et quand elle fait ça tu es à deux doigts de tout casser, devenir dragon et cracher le feu qui embrase tout dit l’ego.
Tout non mais!!! Quoi???? La seconde d’après tu es gagné par une douceur de sainteté enfantine. Ca me rappelle une rencontre de chef autochtone ami, en Colombie britannique. Va trouver ta douleur originelle et reviens. Sinon ne me perds pas mon temps. Ma douleur originelle? Oui.
…
Elle est une chamane du Liban
Pour arriver chez Maha il faut monter très haut.
Elle habite dans le ciel.
C’est le cas de le dire, puisqu’elle habite le dernier étage de son petit immeuble qui se jette dans un parc boisé pour éviter les bavards, et le bruit. Le vent dehors fait chanter ses nombreux carillons japonais.
Maha prend à chaque fois un peu de ce ciel et le remet en toi, ça t’avais manqué cette lumière en toi , tu la connais si bien. Ton bassin se met à parler en langues et ton cerveau aussi, tu sens leurs chemins.
Elle commence généralement ta séance avant que tu n’arrives . A l’orientale. Elle prends le temps qu’il faut, et elle termine longtemps quelques jours après ton départ, sinon quelques semaines plus tard, à l’orientale, comme quand la conversation avec un ami peut rester avec toi pour quelques jours d’affilée parfois…Et tu ris ! C’est essentiel ! Tu ris de toi et d’elle, elle rit d’elle et de toi, nous rions de nous. Elle a des sorties digne d’un humour oriental qui ne croit en rien au fonds, car certes tout est tout, mais tout est rien, surtout… Alors il t’arrive de te croire en France à Paris St Cloud, et tu te confies sur le mode thérapeutique sur un noeud d’enfance, et mère père, et tu y vas pour t’engager dans ta dramaturgie ; elle t’écoute religieusement mais elle te surprend avec la rapidité du rire. Mais c’est terminé ça, elle dit. Tu la regardes interrogative…
Ben oui, elle continue :
« la voiture a été volée il ya quelques années. On en reste là? »
Rires jusqu’à l’infini. Je m’en souviendrai…
La voiture a été volée on en reparle quinze ans après ? Basta.
Je l’avais rencontrée la première fois il ya une dizaine d’années. Nous nous sommes retrouvées sur le chemin qui mène à un groupe de méditation. Le chemin est long, escarpé.
On se reconnaît libanaises. Tu es libanaise ? Oui oui .
Et tout d’un coup un faux pas, mon genou se bloque, douleur intense je ne peux plus marcher. Maha se jette par terre, elle tombe bien (car j’ai oublié de dire qu’elle est très élégante) et elle enfonce ses deux doigts dans mon mollet sans prévenir. Et hop. Tout remarche. Alors je m’emballe…
« Mais qu’est-ce que tu as fait ? »
Elle répond : « Ca marche non ? C’est tout. C’est rien. Au revoir »
Chez les libanais on ne fait pas les choses à moitié, leurs Saints travaillent 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. Les Chirurgiens aussi, les meilleurs dans le monde. Ca va remettre de la science dans le mort et le ramener comme un sous neuf.
Une chamane du Liban a été instruite auprès de grands maîtres d’Asie et de Russie. Elle en garde une pieuse reconnaissance de petite fille profondément chrétienne. Nous avons en commun une passion pour ce possible difficile à nommer. Se relier, et si ce n’était que ça au fonds, juste ça.
Nous avons des discussions qui n’ont rien à voir avec la norme. Une belle synergie et un joli échange se passe entre nous… Après avoir dégusté le miel de sa montagne on enchaîne :
« … Mais qu’est-ce qui reste dit Maha ? Rien, on ne se souvient pas de son arrière arrière grand père, il n’en demeure rien. Il s’effacera de nous jusqu’à notre souvenir il n’en restera rien… Alors tu comprends… Ca ne sert à rien tous ces trucs… On vient pour vivre on essaie de s’éveiller, on travaille pour évoluer donner, aimer la vie et continuer… on est en visite…Le reste… C’est quoi? »
Quand elle te parle en mode conscience-modifiée, on dirait que tu te parles, elle te parle à l’oreille à ta place, Khalas ma fi chi halla2 bi hemné… Quand tu te dis khallas plus rien ne m’importe maintenant je me repose, khay je sens la fumée de la sauge…
Mets en chez toi, elle dit. Soigne ta maison. Ma maison? Oui, c’est-à-dire toi.
De temps en temps comme on dit dans notre jargon, elle voit le créateur comme si il eut été kurde (expression populaire pour dire qu’on est en colère) ; quand tu lui viens et que c’est le bordel total dans ta maison (toi) ; elle t’attend sur le pas de la porte, elle sait… Qu’est-ce que t’as foutu? Tu t’es pris les saletés du premier quidam dans ton aura . Tu m’épuises. Elle tousse. Tu vois? Arrête vraiment. Une demi heure après elle te ramène à ta demeure propre comme un linge au soleil. Voilà. Reste comme ça. C’est toi maintenant tu vois? C’est beau.
– Bon salut Maha à bientôt et merci vraiment.
– Horizon
– Quoi?
– Horizon c’est le mot qui me vient
– Bon Maha, allons nous promener un de ces quatre
– Oui je vais t’amener voir un pont que tu n’as jamais vu
– C’est toi le pont, rires.
– Yalla à bientôt.
– J’aime beaucoup tes baskets. Envoie moi le nom de la marque
Ou quand l’essentiel se mélange à l’anodin remettant dans la vie, un peu de vie.
Ca respire. Très vite.
Car le corps se reconnaît dans l’attention qui lui est offerte.
Sachant que c’est comme ça qu’il est.
Si ce n’était tous ces trucs qui sont devenus la vie qu’on mène. Mais est-ce vraiment les conditions du corps et de l’âme cet exil… Exil à travers la montagne, la famine et les intempéries ; c’est cet exil que Chogyam Trumpa Rinpoché transforme, en pèlerinage, recommandant aux siens qui l’ont suivit de ne pas céder à la famine en considérant leur fuite du tibet à travers tous les dangers comme un pèlerinage.
Aux pèlerins, salut.